Makatea

Makatea

Vidéo en lien : On reprend de la hauteur sur une île incroyable

Nous arrivons sur notre dernière escale des Tuamotu, un arrêt un peu particulier qui contraste complètement avec les atolls des Tuamotu. Makatea, située à un peu plus de 50 miles au sud de Tikehau, n’est pas un atoll mais une île avec de grandes falaises et une végétation dense. Elle a une superficie de 24 km² et mesure 7km par 7,5km au plus large.

Un arrêt incertain

Makatea est constituée de falaises avec une barrière corallienne tout autour. Le seul accès en bateau se trouve devant un ancien port. La difficulté est que les fonds tombent à pic et qu’il est impossible de mouiller. Il existe 4 bouées où il est possible de s’amarrer. Des bouées qui ne sont pas forcément fiables, trop profondes pour les vérifier et certaines appartenant apparemment à des bateaux de charter. L’autre difficulté est d’arriver à Makatea et de ne pas trouver de place pour s’y arrêter. En venant de Tikehau, nous avions anticipé et calculé pour au cas où continuer notre route directement sur Tahiti. Une prise de bouée impressionnante par 55 mètres de fonds, à quelques mètres du rivage où les vagues viennent casser pas loin de l’étrave de Niue.

Nous passerons une nuit pas très paisible. Après avoir bien analysé la situation, notre ouïe restera constamment en alerte au moindre changement de bruit. Niue est notre voilier, notre maison, avec nos valeurs et nous y avons investi également des sous. Notre sérénité est bien sûr plus dure à trouver dans ces conditions. Tant que Niue se place face à la côte tout va bien, si la bouée viendrait à casser il partirait au large. Notre inquiétude est plus du fait que si Niue se retrouve «cul» à la côte près des rochers et près à s’échouer si la bouée lâchait. L’aventure c’est aussi ça prendre quelques risques tout en prenant nos disponibilités pour être en sécurité.

Une fois à terre, nous reviendrons régulièrement vérifier que tout se passe bien pour Niue.

Premier pied à terre

Face à ces falaises immenses, nous restons bouche bée. Après plus de 4 mois à ne voir que des lagons, nos origines refont surface et nous savourons ce paysage. Nous sommes comme happés par cette île. Nous trépignons d’impatience et nous ne faisons pas long à mettre pied à terre. Le petit port n’accueille que les annexes et le petit bateau moteur de la commune.

Une entrée un peu sportive en annexe. Les vagues s’engouffrent dans ce petit goulet nous permettant d’atteindre le quai, les vagues déferlent de part et d’autre. Nous comptons les trains des vagues. Toutes les 3-4 vagues, il y a un petit répit qui nous permet de passer en sécurité.

A terre, une jolie fresque nous souhaite le bonjour. D’autres racontent l’histoire incroyable de Makatea en lien avec l’industrie du phosphate. Ces fresques et de vieilles installations portuaires nous mettent directement dans l’ambiance.

La découverte de l’île sera pour le lendemain.

En attendant, nous longeons un chemin le long de la côte. Nous nous sentons bien petit au pied de ces grandes falaises de 60 à 100 mètres de hauteur. Cette nouvelle exploration, cette végétation, ce paysage, nous rendent heureux et nous marchons, marchons sous un soleil écrasant. Nos lèvres marquent un beau sourire et nous finissons la journée en ayant presque mal à la musculature de nos joues.

Nous admirons la végétation luxuriante et variée, et humons les odeurs. Nous sommes heureux de retrouver en plus de la hauteur, une végétation plus diversifiée avec des papayers, bananiers, manguiers et même des figuiers et divers légumes.

De retour à bord de Niue, nous terminons cette belle journée par admirer les baleines au loin devant un coucher de soleil somptueux.

Visite de l’île

Le lendemain, nous partons à la découverte de l’intérieur de Makatea. Le premier challenge est de rentrer dans le petit port. La houle s’est levée durant la nuit. Nous demandons à 3 polynésiens s’il est possible de venir nous chercher avec le bateau de la commune pour jouer la sécurité. Après 30 minutes d’attente à partir de l’heure de notre rendez-vous, ils ne sont toujours pas là. Nous voyons au loin notre guide attendre. En voyant d’autres annexes entrer, nous nous décidons à y aller avec la notre. Nous observons à nouveau le train des vagues et nous nous lançons en surfant avec notre annexe.

Une fois à terre, nous montons dans le pick-up de notre guide Ruben. Une belle montée nous attend avant d’atteindre notre premier arrêt et d’entendre Ruben nous raconter la folle histoire de Makatea.

La compagnie française des phosphates d’Océanie

A la fin du 19ème siècle, d’importants gisements de phosphate ont été découverts. En 1908, la compagnie française des phosphates d’Océanie a été créée. En très peu de temps, Makatea devient une vraie cité. La population passe d’une centaine d’habitant à plus de 3000. L’île prend une place importante en Polynésie, elle devient la ressource financière principale. Makatea se transforme : boulangerie, boucherie, école, cinéma, équipements industriels, infrastructures portuaires et même un réseau de chemin de fer.

Durant presque 60 ans, l’île vit au rythme de l’industrie du phosphate jusqu’à son épuisement en 1966. Cet endroit vivant se vide en quelques jours. Une industrie qui laisse derrière elle des traces importantes, certaines disparaîtront avec le temps, d’autres ensevelies par la nature, mais son paysage restera marqué par les multiples extractions

Aujourd’hui seuls une centaine de personne vivent ici dans ce lieu où la nature a repris ses droits. Voici un lien qui vous permettra d’en savoir plus sur cet atoll surélevé des Tuamotu.

Une escale riche

Nous reprenons notre route à bord du pick-up. Naël, Camille et Patrice sont dans la benne à l’arrière. J’entrevois leurs sourires. Je crois bien qu’ils sont heureux d’être là. Cheveux au vent, ils ne perdent pas une miette de ce qu’ils voient. Ils ne savent plus où donner de la tête. Dans ces moments là, mon corps et mon esprit restent dans le présent. Mon cerveau n’a plus besoin de voyager ailleurs. Je me sens libre, légère et heureuse des choix que nous entreprenons. Je n’ai besoin d’aller nulle part, juste de profiter de ce moment si plaisant.

Nous nous arrêtons à la Mairie. Nous découvrons des photos datant de l’époque. Des photos qui nous permettent bien de nous projeter quelques dizaines d’années en arrière. Incroyable ! Un stop obligé pour comprendre l’histoire et imaginer comment étaient installées les infrastructures portuaires par rapport à ce qu’il en reste aujourd’hui.

Nous nous rendons ensuite voir d’anciens gisements de phosphate. Un paysage lunaire avec la végétation qui reprend sa place. Un paysage qui restera marqué à jamais. Des milliers de trous creusés manuellement, allant sur plusieurs dizaines de mètres de profondeur.

Un travail titanesque. Gare aux trous !

Nous pouvons encore voir un treuil qu’ils utilisaient pour remonter le phosphate.

Nous poursuivons sur un point de vue qui nous a juste surpris. Avec sa côte sous le vent dessinées de falaises abruptes, nous pensions que toute l’île était ainsi faite. Quelle surprise de voir ce panorama. Difficile de l’expliquer, je vous laisse le soin d’observer ce spectacle juste en-dessous.

Après une belle descente en voiture, nous rejoignons la plage que nous voyons depuis le point de vue. Au bout de celle-ci, nous nous hydratons avec une bonne coco verte. Celle de Camille était aussi grande que sa tête !

Nous allons ensuite marcher sous les falaises, nous nous sentons encore bien petit face à cette nature.

La roche est creusée par l’érosion et donne de très belle forme aux roches et aux falaises.

Notre dernier stop se passe dans des grottes. Après quelques petites minutes de marche, nous descendons dans une grotte avec des stalactites et des stalagmites.

Plusieurs grottes sont reliées entre elles. Leur particularité est qu’elles sont remplies d’eau douce. Nous prendrons un bain que nous savourons au vu de la chaleur à l’extérieur et au fait que l’eau douce sur voilier est une denrée rare. Nous n’avons pas pris de bain depuis plus de deux ans !

Le paysage sous-marin est splendide, le reflet de nos lampes frontales donnent de magnifiques lumières dans cet endroit obscure.

Un repas gargantuesque

Nous terminons cette très belle journée par un repas que nous n’oublierons pas de sitôt. Nous nous trouvons chez Ruben. Nous mangerons sous un joli fare. La femme de Ruben est en cuisine. Les plats nous sont servis, nous restons ébahis devant la quantité et la diversité des plats : thon à la chinoise, thon à la tahitienne, carpaccio de thon, tartare de thon, thon cuit, thon pané, riz, pain maison, manioc frit, crabe de cocotier et en dessert de la banane à la coco. Nous nous sommes régalés, mais autant vous dire que nous n’avons pas tout terminé. Nous avons apprécié voir nos enfants goûter un peu à tout. Ouvrir leur horizon, c’est aussi ouvrir leur horizon culinaire d’autant plus chez une personne autiste qui peut percevoir le goût, la texture et l’apparence différemment. Pour la petite anecdote, nous repartirons avec nos doggy bags qui nous auront encore nourrit pendant deux repas !

Nous retrouvons la générosité des polynésiens. La femme de Ruben explique qu’elle fait autant à manger si nous sommes 4 ou 8. Elle a beaucoup de plaisir à cuisiner. Elle finira assise au pied d’une table consacrée à faire de l’artisanat. Les enfants repartiront avec un collier de graines qu’ils avaient ramassés dans la matinée. Ruben nous montre son vivier à crabe de cocotier et nous offre des figues et des citrons.

Un retour un peu mouvementé

Nous retournons au petit port avec Ruben, accompagnés de sa femme et de sa belle-sœur. En voyant l’état de la mer, elles s’exclament : «Oh la la ! Il y a beaucoup de houle !». En effet, la houle a encore grossit. Les vagues se fracassent sur la barrière de corail, devant le petit port jusqu’à l’intérieur. Le petit port jusque-là relativement calme, est maintenant bien agité. Plusieurs voiliers sont en attente d’une bouée. Un catamaran s’est amarré au taquet arrière de Niue. Nous nous demandons maintenant comment nous allons retourner à bord en sécurité. Par chance, une annexe vient de déposer des personnes à terre et son skipper retourne à bord de son voilier. Nous lui demandons de prendre Camille et Naël pour alléger notre annexe. Nous mettons les gilets à nos enfants et les voilà partis à bord de cette annexe avec un bon moteur de 15CV. Nous disons rapidement au revoir à Ruben et filons précipitamment. Nous comptons à nouveau le train de vagues et notre sortie se fait sans encombre. Au vu de la houle, nous décidons de quitter la bouée et de mettre le cap sur Tahiti, notre dernière grande navigation. La nuit à la bouée n’aurait pas été sereine et cela permet aussi de laisser la place à un autre voilier en attente.

Encore une belle escale qui se termine et qui restera sans aucun doute dans nos mémoires. Une île qui a conquit l’ensemble de la famille, mais une île, mine de rien qui se mérite.

Informations :

Il y a 4 guides sur l’île, dont Ruben. Voici son numéro : +689 89 72 37 11. L’île est aussi un lieu pour venir faire de l’escalade.