Transpacifique – Retour en arrière
Vidéo en lien : On arrête le voyage en voilier
Départ pour la transpacifique
Après un peu plus de 24 heures de navigation pour tenter une transpacifique, nous sommes revenus en arrière. Mes angoisses sont revenues en mode surpuissantes. Impossible de continuer malgré des conditions météorologiques clémentes. Nous avons donc rebroussé chemin jusqu’aux îles Perlas, archipel faisant partie du Panama. Je me sentais pourtant bien, mes peurs avaient disparues depuis les Antilles. J’avais cette quête de poursuivre vers l’Ouest en famille, de faire ce challenge de traverser le Pacifique en famille. Se faire avoir par son propre corps est vraiment déroutant, incompréhensible et ne parlons pas de l’impact sur la confiance en soi. Le plus dur est d’infliger ce choix, qui n’est pas vraiment un choix, à ma famille. Nous avons toujours dit que nous ferions en fonction des besoins des uns et des autres, mais comment faire quand les besoins diverges ?
Nous avons été stoppé net dans notre élan de découverte du Pacifique. Une sensation d’inachevée traverse notre esprit. L’envie de découvrir cet horizon, de partir à la découverte de sa culture inclusive et d’amener Niue sur l’île de Niue avait un sens, une quête en soi.
La vie est faite d’une multitude de labyrinthes. Et si nous nous étions trompés de chemin ? Nous avons fait marche arrière, nous sommes retournés sur nos pas pour trouver la sortie de ce labyrinthe. Les labyrinthes ont souvent une connotation négative, mais je ne le pense pas. Le chemin est plus long, différent, mais cela permet aussi d’étendre notre réflexion, d’agrandir notre vision, de faire un chemin intérieur supplémentaire. Je dis cela, mais pensez bien que ce labyrinthe a un goût bien amer, qui nous reste en travers de la gorge. Dur de prendre du recul sur le moment.
Certes nous avons pleins d’autres envies, d’autres rêves, mais ils n’étaient pas prévus pour le moment, mais pour plus tard. Ah les imprévus, qu’est-ce qu’on n’aime pas ça !
Cet état m’a mis dans un inconfort terrible. Pourquoi ? Que s’est-il passé ? Difficile de vivre ces moments quand nous sommes loin de chez nous, loin de nos repères. Je me suis sentie, avec ma petite famille, bien seule, enfermée sur nous même, malgré les dizaines de messages de nos proches et des voyageurs qui nous suivent.
Que fait-on ?
Nous avons donc pris la décision de vendre Niue, de vendre tout le matériel à bord. L’ambiance était vraiment dur à vivre. Patrice avait bien sûr le droit à son temps de digestion. Les enfants sont très ouverts. Nous avons pris conscience qu’ils apprécient le voyage et qu’ils sont très intéressés par pleins de choses. Certes se séparer de Niue serait difficile, mais ils apprécient aussi la possibilité de faire autre chose.
Nous nous sommes rendus compte de tout le matériel que nous avons et du peu de fois que nous l’avons utilisé. Encore ce sentiment d’inachevé ! Passionnés de plongée, nous avions hâte de découvrir les fonds marins du Pacifique. Passionnés de randonnée, nous avions hâte de gravir les hauts sommets des îles. Passionnés de partager une culture inclusive, nous avions hâte de découvrir sa réputation de culture inclusive. Passionné, passionné. Sensation d’inachevé, de gâchis, de craquement au cœur.
Nous avons eu plusieurs contact avant même de mettre Niue en vente suite à notre annonce d’arrêter le voyage. Le dernier contact nous a refroidit et a remis en question sur notre décision. Nous avons eu tellement de message des voyageurs qui nous suivent, tellement de propositions, de phrases réflexives, d’encouragements. Merci à vous tous d’avoir participé à notre réflexion, à notre soutien, à grandir tout simplement.
On rentre dans un autre labyrinthe
Et si nous étions sortis d’un labyrinthe et que nous cherchions la bonne entrée pour le suivant ? Cette étape était peut-être nécessaire à exprimer chacun de nous 4 nos émotions, nos besoins, nos envies, nos peurs, nos craintes. Peut-être que c’est comme cela que nous fonctionnons ? Prendre davantage conscience de ce que nous vivons, de nos souhaits de départ, de nos objectifs. Après un bon Chambole-Musigny de 2015, année de naissance de notre fille, nous avons décidé du chemin que nous prendrions: l’Ouest, mais différemment. Patrice convoie Niue jusqu’aux îles Marquises et moi, je reprends l’avion avec les enfants pour le retrouver de l’autre côté. Je ne vous cache pas que ce n’est pas le challenge attendu pour notre famille, c’est une des raisons qui fait que nous n’avons pas opté pour cette solution au départ. Ne pas réussir à faire cette traversée met aussi mon égo à rude épreuve. Mais comme le dit Patrice, ma frustration sera la même quoique l’on fasse. Si nous abandonnons notre projet du Pacifique ou si nous nous nous retrouvons aux îles Marquises par deux moyens de transports différents, ma frustration sera la même, mais les besoins de chacun seront plus respectés ! Je ne promet rien à personne ! Niue sera en Polynésie, mais rien ne dit que nous continuerons plus loin ! Oui je vais essayer de dompter mes peurs, je vais essayer différentes solutions, mais autant vous dire que pour l’instant la confiance n’est pas là. Qui dit que mon corps refuse encore une fois d’y aller. Nous prenons le risque d’aller où il était prévu d’aller, un poil à reculons pour moi, mais voilà encore un bel apprentissage du « vivre le moment présent » et diminuer l’anticipation. Le plus important est que nous sommes tous conscients que c’est un essai, qu’il est possible que cela ne se passe pas bien. Nous revenons un peu à nos pensées du départ. Le principal c’est d’oser, d’oser le rêve ! Si cela ne fonctionne pas, nous aurons essayé et c’est cela le principal.
Un moment pour méditer:
Oser le rêve nous permettra de ne pas vivre dans l’interrogation de ce qui aurait été si nous ne l’avions pas fait.
On n’atteint pas toujours son objectif. Ce n’est pas une raison pour renoncer.
Mike Horn
Très juste !
Bravo à vous pour cette réflexion profonde sur les possibilités d’aller ou non, d’arrêter, de continuer mais autrement… de gérer les peurs qui surgissent d’un coup (hélas, je connais bien ce syndrome) malgré notre volonté … Le choix était difficile ! Vous l’avez fait et aujourd’hui vous êtes tous aux Marquises et votre famille s’en trouve renforcée. J’admire votre courage, votre ténacité et je vous souhaite de belles découvertes de ces iles du Pacifique.
Merci. Merci pour votre partage. Un choix difficile, un soulagement pas toujours en pensant aux prochaines navigations, mais heureux d’être où nous sommes.
Bonjour les voileux en balade,
Parfois dans la vie il faut remettre à plus tard une difficulté et parfois il faut l’affronter car c’est à la suite d’un essai réussi que l’on se trouve transformé (toute référence au mode rugbystique est fortuite !!).
Eliane, comme tu l’écris si bien l’essentiel est d’avoir trouvé une issue qui soit favorable à vous 4 et qui permette la poursuite du voyage.
Je me pose depuis quelques temps la question : il y a dix ans il me semble qu’avec Patrice vous avez fait en duo une transat ? Si oui est-ce à cause d’elle que tu es complètement refroidie et craintive ?
Bon en tous cas il faut se réjouir d’être dans un si bel endroit et il faut vraiment en profiter car en Europe c’est pas top entre la Covid et la guerre en Ukraine.
Profitez-en pour emmagasiner de beaux souvenirs, de belles images, de belles vidéos, de bons moments avec les autochtones et aussi avec les autres voileux.
Il ne faut pas trop se prendre la tête même s’il est important de réfléchir et de prendre sur certains évènements un peu de recul.
La vie est trop courte pour se laisser envahir par de mauvaises pensées.
Soyez à l’écoute du vent du large et comme l’écrivait si bien Baudelaire : « Homme libre, toujours tu chériras la mer ».
L’homme et la mer
Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.
Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :
Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes ;
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !
Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remord,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
Ô lutteurs éternels, ô frères implacables !
Charles Baudelaire
Je vous embrasse
Merci pour le message.Toujours de belles pensées et réflexion.
En effet, j’ai déjà effectué plusieurs transatlantiques, 3 pour être exact. Aucun mauvais souvenir, je crois que le début du voyage a été un peu dur, notamment les premières navigations dont celle avec 55 noeuds de vent. Avec l’âge, nous changeons, nos peurs s’accentuent, nous apprenons à nous connaître et la protection maternelle des enfants est aussi un facteur à prendre en compte.
Mon esprit est un peu trop vif. A moi, de trouvé le moyen d’être avec lui sans être dans la peur.
Prenez soin de vous.